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8 avril 2006

Les "Talibés" de Dakar

Par Elhadji Mor Ndiouga Diop


Un talibé et sa moisson

Chaque jour que Dieu fait, ils sont des milliers d’enfants à sillonner les artères de Dakar, la capitale sénégalaise. Envoyés pour chercher de l aumône, ils sont souvent maltraités par les grands. Les «talibés» sont des enfants comme les autres, mais apparemment dépourvus du nécessaire. 

Agés entre 5 à 15 ans et plus , ce sont des milliers d’enfant qui envahissent quotidiennement les rues de la presqu’île dakaroise. En effet, tout âge confondu, le nombre d’enfants vivant dans les rues de Dakar s’élèverait à plus de 7000 individus. Les talibés constitueraient la majorité de cette population. Ces chiffres alarmants ne sont en fait valables que pour la capitale, Dakar, les autres régions ont eux aussi leurs lots .Dans tous le Senegal, on a totalisé un chiffre de quelques 150 000 «talibés».C’est énorme.

Traduit en français, le mot «talibé» donne : disciple, éleve. Ainsi, le talibé est un jeune enfant que les parents ont confié au marabout, qui est un maître coranique, et dont la mission sera d’enseigner et d’inculquer au bambin les fondements de la religion musulmane. Mais très souvent cette mission se tourne en exploitation. Homme de Dieu, il vit dans un local assez modeste, où le plus marginal des québécois hésiterait à loger. Ce local est dés fois constituées que d’une ou deux pièces et d’une cour intérieure qui fera office de chambre à coucher pour les enfants. Dormant à même le sol, et souvent manquant de couverture, ils se «sardinent» les uns les autres pour lutter contre la fraîcheur des nuits dakaroises.

Le marabout, la plupart du temps pauvre, n’hésite pas à envoyer les enfants dans la rue à la recherche d’une aumône, dont il sera le principal bénéficiaire. Imaginez un enfant qui se donne toutes les peines du monde, qui souffre pour nourrir un adulte…. C’est le monde à l’envers, un monde où la pitié a pris congé.

Debout au premier chant du coq, munis d’un simple pot de tomate vide, souvent sans souliers, et les habits déchirés, ils descendent dans la rue chercher leur repas du matin. Ils sillonnent les quartiers en interceptant les passants et en faisant du porte à porte. Souvent ils fredonnent une chanson avec une voix transformée de sorte à susciter davantage la pitié. Nul besoin de chanter, seul leur état misérable peut susciter la compassion. Heureusement que la plupart du temps ils réussissent leur entreprise. Les gens donnent volontiers à ces enfants des pièces de monnaie, de la nourriture, des habits, des chaussures, … tout ce qui peut être utile pour lui. Cet acte, pour les croyants, participera à sauver leur âme dans l’au-delà. La superstition constitue aussi un vecteur qui stimule la main à aller dans la poche : un mauvais rêve, un emploi qui tarde à venir, ou pour les femmes célibataires un désir de croiser le prince charmant, …peut les pousser à se remuer. Ce qui fait nécessairement l’affaire du «talibés».

Apres une dure journée, le «talibé » rentre à la «Daara», le local du marabout, pour faire le versement de ce qu’il a récolté pendant sa tournée. Tous les jours, chaque talibé doit déposer sa moisson auprès du marabout. Si par mégarde il ne donne pas le montant requis, car il y a un minimum à verser, bonjour la bastonnade et les raclées. Il est battu et brutalisé devant ses camarades qui restent impuissants, malgré ses implorations et supplication. Quelquefois il s’en sort avec des blessures relativement graves. Et s’il n’est pas béni du ciel, il risque de traîner ces plaies encore longtemps.

Passant la majeure partie de leur vie dans la rue, ces enfants n’échappent pas aux serres des profiteurs d’enfance : les pédophiles, delinquants, exploiteurs... etc.

Comparé à la vie d’un jeune québécois, le «talibé» vit un véritable enfer sur terre. Ce n'est pas qu’il veuille point jouer au skate, aller en vacance avec papa et maman ou bien faire du vélo, c est seulement qu’il est victime de la cupidité et de l’irresponsabilité de certains adultes.

La situation de ces enfants a poussé beaucoup d’ONG comme l’UNICEF et quelques organismes locaux tels l’AES, ENDA Senegal….à se pencher davantage sur la question. Il reste énormément à faire, car jusqu’à l’heure où je vous parle, des milliers de talibés fourmillent encore dans Dakar. Sans doute, laisser les enfants dans certaines conditions d’existence, revient à fertiliser la terre de la délinquance, de l’analphabétisme, … c’est favoriser l’épanouissement de tous les fléaux de la société.
A la question pourquoi est-il risqué et périlleux d’abandonner l’enfant dans des difficultés ?
Le philosophe répond : Sans doute, «l’enfant est le père de l’homme».

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