Kronik politik

Il y a de ces règles des fois qui mettent nos ministres dans un véritable embarras. Les plus honnêtes font leurs valises pour préserver leur dignité, mais aussi les plus fervents défenseurs du régime, eux, cherchent coûte que coûte à faire valider le choix gouvernemental. Cette règle, s’appliquant dans la plupart des régimes actuels, et qui pousse les ministres à faire ce choix décisif, est connue sous le nom de solidarité ministérielle ou de responsabilité ministérielle collective.

Lors des réunions hebdomadaires du Conseil des ministres, en présence de tous les ministres du gouvernement, des décisions majeures sont discutées et adoptées à l’unanimité. A la sortie de cette rencontre, les membres du gouvernement doivent tous s’aligner derrière ces résolutions finales mais doivent aussi les défendre une fois devant le peuple. Il est clair que parmi ces décisions, certaines ne sont pas toujours évidentes à défendre, mais il faut le faire pour ne pas se compromettre et compromettre le gouvernement. Cette conformité aux règles explique tout le sens du concept de solidarité ministérielle.

Celle-ci regroupe un certain nombre d’avantage qui renforce l’idée d’un gouvernement uni et solidaire. En premier, on peut dire que le fait de parler d’une seule voix et de défendre en groupe les décisions gouvernementales démontrent une certaine cohésion politique, une unité derrière les choix et une confirmation de la foi collective dans les règles philosophiques du régime. En deuxième lieu, ceci favorise aussi une bonne organisation du gouvernement (il est plus facile de travailler ensemble quand on a les mêmes idées), et renforce le pouvoir du Conseil des ministres.

Cette solidarité ministérielle s’illustre bien dans le gouvernement Bush. Par exemple, son ancien secrétaire d’Etat Colline Powell n’a pas hésite à défendre jusque devant les tribunes des Nations Unies l’existence des WMD (Weapons of Mass Destruction – armes de destruction massive) en Irak et de justifier l’invasion américaine , même au prix de brandir de fausses preuves. On se rappelle aussi que tous les autres membres du gouvernement s’étaient alors alignés derrière cette décision.

Cet exemple montre bien que cette solidarité ministérielle ne résiste guère à l’argument éthique. En effet, lorsque monsieur Powell a pris la décision de défendre l’invasion en Irak, il savait pertinemment que les preuves n’étaient pas concluantes (donc absence de vérité) mais au nom de la solidarité ministérielle il l’a défendu jusqu’au bout.

C’est le gros problème de la solidarité ministérielle : même si le gouvernement prend des décisions immorales, il faut le défendre sous peine de se voir « déchargé » ou être obligé de le faire. Certains ministres, fervents défenseurs de la vérité et de éthique, éprouvent de la difficulté à évoluer dans cette atmosphère où les règles diffèrent de celles communément admises comme idéales par la société. Celle-ci est victime de cet état de fait car n’ayant pas toujours la vérité dans son assiette même de la bouche d’individus unanimement considérés comme très honnête et très véridique.

Malheureusement, dans la sphère politique l’éthique a disparu avec le temps et a laissé place à la rationalité politique. Le jugement porte plus sur le respect des règles de l’oligos que sur celles du demos.

D’ailleurs, il n’est pas rare de voir certains ministres fuir les conférences de presses et les medias en général suite à une décision du gouvernement et qui est mal reçu par la population. Ca se comprend.

Souvent, quand le ministre persiste dans son entêtement pour défendre la Vérité, il se retrouve seul et est sujet à des pressions provenant du haut. On observe le plus souvent trois situations :

- Le ministre après quelques temps donne une conférence de presse et reviens sur la ligne du gouvernement ; l’affaire est close.

- Le ministre persiste sur sa position, il lui est envoyé une proposition officieuse de démission, provenant le plus souvent du premier ministre. Dans ce cas précis celui-ci choisit de sortir par la grande porte en démissionnant (d’habitude en évoquant des raisons personnelles). Il est acclamé par la population pour sa dignité mais perd son poste. Ce cas est le plus fréquent.

- En cas de refus de démission, c’est le limogeage officiel. En d’autre terme une sortie par la petite porte.

En brisant la solidarité ministérielle, un ministre canadien (1) s’est vu obligé de démissionner de son poste après avoir autorisé la vente de produits de conserve avariés. En rétorquant que la décision provenait de son supérieur hiérarchique (le premier ministre), celui-ci fut obligé de plier bagage et de démissionner après un démenti du premier ministre. En mettant le poste de ce dernier en danger, il s’est mis lui-même en danger.

Il est clair que c’est un véritable dilemme pour tous ceux qui se veulent honnêtes et moralement irréprochables, que de vouloir participer à la vie politique (ce qui est le devoir de tout citoyen selon Périclès), tout en étant obligé d’abandonner ses convictions et de piétiner sur les règles éthiques.

Mais après tout n’est ce pas un choix personnel que de s’engager en politique ?

(1) Il s’agit de John A. Fraser, ministre des Pêche et des Océans du en 1985.

(Commons Debates / Débats de la Chambre, 18.09.1985-24.09.1985; P.M.O. Release, 23.09.1985)

Mentir ou déguerpir : faites votre choix monsieur le ministre !

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